Le jeudi, c’est Léonie (16)

Les plus courtes sont (parfois) les meilleures

Le week-end dernier, j’ai travaillé avec une dame que je ne connaissais pas mais qui connaissait très bien mon travail. Ça m’a fait plaisir. Elle fait travailler mes pièces pour enfants depuis longtemps mais aussi mon Elle pleurait (stabat mater), mes Ariettes oubliées et connais beaucoup de mes mises en musique de poèmes. À la pause, on a parlé de mon travail en cours et elle me dit “Mais ça, il faut en parler dans la chronique du jeudi !” (j’étais content qu’elle connaisse aussi Le jeudi, c’est Léonie).
Alors… je ne suis pas très sûr que ce soit intéressant, mais je vais essayer de transcrire ici les problèmes auxquels je m’attèle lorsque un morceau est sur le point d’être achevé.

Je termine une pièce pour petit orchestre qui doit durer 20 minutes. C’est ce qui est spécifié dans le cahier des charges.

Mon premier brouillon faisait 24 minutes. En retravaillant les divers développements pour essayer de resserrer, j’ai réussi l’exploit à faire encore plus long ! 26 minutes.
Alors, j’ai commencé à m’enchaîner la pièce en boucle au piano. Peut-être 6 ou 7 fois de suite.

A la quatrième exécution, j’ai enlevé une page et demie qui n’avait finalement rien à dire, je l’ai très facilement remplacée par 2 mesures qui faisaient tout aussi bien l’affaire. 2′ de gagnées ! J’ai aussi enlevé une partie qui répétait peu ou prou l’exposition des différents thèmes mais transposée une tierce au dessus.
J’ai ensuite noté deux passages qui étaient des transitions que j’ai essayé de raccourcir. Ce n’a pas été simple car ils reliaient des blocs qui n’avaient réellement aucun rapport entre eux. Alors, comme juxtaposer ces blocs n’avait aucun sens, il fallait trouver un moyen efficace de passer de l’un à l’autre. Ça m’a demandé presque deux jours de travail.
Et puis, déchirement absolu,  j’ai dû me résoudre à enlever une pseudo-réexposition qui m’avait pourtant demandé énormément de travail. J’y superposais tous les motifs entendus depuis le début de la pièce. C’était une sorte de défi technique dont j’étais fier d’être venu à bout, mais effectivement, ça n’apportait rien à la pièce. Et même, je dois admettre que ça la desservait. En tout cas, ça ne servait pas l’émotion que je cherchais à défendre. J’ai donc coupé.

J’ai rendu ma partition, le commanditaire a l’air content. Moi aussi. Seul problème, je m’en suis aperçu en la jouant après lui avoir envoyé le pdf : la pièce dure 17 minutes.
Il m’a dit que ça n’avait aucune importance. Qu’il avait écrit 20′ mais c’était pour dire entre 15 et 30 minutes (pas grave, elle est bien mieux dans sa version à 17′ que dans sa version initiale).

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Deux exemples qui nous montrent qu’il est parfois inutile de faire trop long :

Tout d’abord, dans la photo à droite, l’histoire la plus courte que je connaisse…
(je suis désolé, c’est une des plaisanteries que je préfère)

 

 

Et, plus sérieux, la correspondance la plus courte de l’histoire de la littérature :

Hugo a envoyé un télégraphe à son éditeur peu après la mise en vente des Misérables :
– «?».

L’éditeur, heureux que le premier tirage ait été épuisé en 24h a répondu :
– «!».

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Et puis bien sûr, comme tous les jeudis, continuons notre cycle “Un an de chansons” autour des poèmes de Jean-Luc Moreau. Cette semaine, une fable… très courte.

Le saule et l’oignon

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