Le jeudi, c’est Léonie (24)

Rêve de gosse…

Je ne sais pas si c’est pareil pour tout le monde, mais certains mots, pour moi, restent associés à leur première utilisation. J’ai évidemment conscience qu’un livre ce n’est pas seulement Oui oui et la voiture jaune mais je sais que lorsqu’on me dit encore aujourd’hui “un livre”, c’est à celui-ci que je pense. Idem pour Cathédrale (ah ? ce n’est pas que la grande église à Orléans qu’on appelle comme ça ?) ou héroïne (il y en a d’autres que Jeanne d’Arc ?). J’ai plein d’autres mots qui sont restés bloqués.

En ce moment, chez moi, c’est la commémoration de la délivrance d’Orléans par Jeanne d’Arc, en 1429. Enfant, j’ai toujours été fasciné par Jeanne.
Celle qui domine de son cheval la place du Martroi à Orléans, mais aussi celle contée par  Boutet de Monvel (un livre qui aura marqué, je crois, pas mal d’enfants depuis 1896).

Ce n’est que vers 16/17 ans que j’ai compris qu’on pouvait récupérer “mon héroïne” à des fins politiques. 🤢 🤮

J’en ai lu des trucs sur Jeanne d’Arc ! Je m’amuse à recopier les auteurs que je trouve sur les tranches des livres sur mon étagère : Jules Michelet, Jean Anouilh, Michel Tournier, Michel Peyramaure, Charles Péguy (bien sûr !), Régine Pernoud, Hendi Guillemin, Anatole France, Georges et Andrée Duby (édition du procès), mais plus encore Jacques Trémolet de Villers, Olivier Bouzy, Joseph Delteil, Mark Twain, Yves avril (son anthologie des textes poétiques sur Jeanne, de Christine de Pizan à Léonard Cohen)… J’arrête là, je m’aperçois qu’il en manque et donc que soit j’ai prêté des bouquins qu’on ne m’a pas rendus, soit mes livres sont mal rangés…

J’ai toujours su que j’allais un jour écrire quelque chose sur Jeanne d’Arc. Adolescent, je pensais que je ferai une œuvre rigolote. J’avais déjà le titre : “Jeanne, la première femme au foyer”, même si des amis me conseillaient “Lendemain de cuite”.
Il y a 25 ans, j’ai inclu dans une œuvre écrite pour la maîtrise de Radio France un sketch chanté où il est question de Jeanne d’Arc : Un étrange cuisinier qui traverse le temps nommé Placide (il permet aux hommes préhistoriques d’inventer le feu, aux croisés d’aller chercher des épices, etc.), vient trouver Jeanne d’Arc et lui dit d’aller “faire goûter les anglais hors de France”. Car en effet, ces derniers tentent d’introduire en France une spécialité culinaire incompatible avec le bon goût français : La Jelly !
Si ça vous amuse, c’est ici (le livre CD est introuvable) :

 

Bien entendu, c’est pour rire. Mais finalement, pas tant que ça… La mélodie du début, de Jeanne qui garde ses moutons, c’est une mélodie qui m’accompagne encore. C’est “ma mélodie” de Jeanne. Il y a 10 ans, j’ai écrit des Chansons pour Jeanne sur un texte tiré de Jeanne de Charles Péguy. Là, ce n’est pas rigolo, c’est sûr. Mais non seulement on y trouve la même mélodie que dans Placide, mais en plus, la “petite” Agnès du disque est devenue la grande chanteuse qui m’a fait l’honneur et l’amitié de créer ce cycle, salle de l’Institut. On a enregistré la pièce pour la sortir en CD il y a 3 ans, mais je ne sais pas pourquoi le producteur, pourtant renommé et ayant bonne presse refuse de le sortir. Je livre ici la captation amateure de la création, faute de mieux :

En 2020, c’est deux créations sur Jeanne qu’on me demande ! La première, à écrire à quatre mains avec mon papa. Une commande de l’ensemble variation. Un bonheur de partager cette partition (pour chœur mixte et alto solo) avec mon père. La création de Mistere de Jeanne a eu lieu il y a peu. C’est Jean-Philippe Bardon qui tenait la partie d’alto et Patrick Marié, le chef de l’ensemble variation qui dirigeait. Nous caressons le projet de l’enregistrer (et la diffuser !) l’an prochain.
Dans le même temps, c’est l’association Orléans – Jeanne d’Arc qui me demande, par la voix de sa présidente Mme Baranger, une pièce. Pour chœur de jeunes, chœur mixtes, quintette de cuivres et orgue. C’est Jean-Philippe Bardon (encore lui !) qui souffle l’idée de faire appel à moi pour cette pièce, qui encore une fois verra sa création différée à cause du virus.

Et vous savez quoi ? Cette création c’est demain soir !
On a commencé les répétitions avec tout le monde, c’est Gildas Harnois qui dirige, Louise Pidoux qui fait Jeanne (enfin, soyons précis, on aura la chance d’avoir deux Jeanne : Anne Goniaux fera la Jeanne de la première partie (extraits de Chansons pour Jeanne) et Louise la Jeanne de la cantate). J’ai l’impression que tous les participants prennent plaisir à chanter des textes qui parfois ne sont pas très faciles : Péguy (bien sûr !), Malherbe, mais aussi des textes du procès ; quel talent cette Jeanne, elle déjoue les pièges des juges, elle se permet même de faire des moments de pure poésie :

Et vint cette voix,
Environ l’heure de midi,
Au temps de l’été,
Dans le jardin de mon père

C’est le seul extrait de la cantate qu’on avait pu chanter en 2020, en faisant une vidéo participative. Près de 250 choristes de partout en France avaient contribué. Virginie Pion avait réalisé un clip à partir des images de drones survolant la ville… vide.

Et bien demain soir, c’est 250 personnes en chair et en os qui interpréteront toute ma pièce : Jeanne, cantate.

J’ai du mal à réaliser que je suis en fait en train de vivre un rêve de gosse : une création de ma musique (et sérieuse en plus ! je ne me sens désormais plus tenu de me cacher derrière des blagues) sur mon héroïne dans ma cathédrale.

Les planètes sont alignées… Merci à tous ceux (enfants & adultes) qui rendent ça possible.

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Et bien sûr, comme tous les jeudis, nous continuons notre cycle “Un an de chansons” autour des poèmes de Jean-Luc Moreau. Cette semaine, une histoire drôle :

Quelque part au bord de la Sarthe

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