Le jeudi c’est Léonie (7)

Une bonne année, avec les poésies de Jean-Luc Moreau !

Connaissez-vous Jean-Luc Moreau ? Le poète, pas le comédien…
Ses poésies accompagnent ma vie depuis 40 ans exactement. Alors j’ai eu envie que ses textes nous accompagnent toute cette année 2023.

Je risque de raconter là une chose qui m’intéresse follement mais qui ne va peut-être pas vous passionner… Tant pis, j’ai pris il y a quelques mois la décision de ne faire a priori que ce qui me plaisait, alors, je me lance :

Tout a commencé en Noël 1982, lorsque le Père Noël met sous le sapin Le rire en poésie, collection folio junior. J’ai 9 ans et ce livre ne me quittera jamais. J’y découvre des textes de Pierre Ferran :

Charge
Le chasseur
a pâli
quand le rhinocéros
a foncé.

C’est là que j’ai lu pour la première fois des mots d’Alphonse Allais :

Si russe
Lorsque tu vois un chat, de sa patte légère,
Laver son nez rosé, lisser son poil si fin,
Bien fraternellement embrasse ce félin.
Moralité :
S’il se nettoie, c’est donc ton frère.

C’est dans ce recueil que j’ai découvert ce qu’étaient des contrepèteries (grâce à Lucienne Desnoues) ou que j’ai lu mes premiers Desnos. À cause de ce livre, j’ai cru longtemps qu’Apollinaire était un poète rigolo…
C’est aussi là que j’ai rencontré Une baleine à bicyclette (Claude Roy), une Araignée à moustaches (Robert Desnos), une fable de Raymond Queneau intitulée La fourmi et la cigale, une Mouche près d’un chariot tiré par six chevaux (Isaac de Benserade), des crapauds, des kangourous, des chameaux devenant dromadaires, le célèbre Hareng saur de Charles Cros (“sec, sec, sec”…) et quelques poésies de Jean-Luc Moreau, poésies qui allaient fortement modifier mon existence.

Depuis ce livre, je n’ai jamais cessé de lire de la poésie. Chaque jour ou presque, je lis (souvent à voix haute) au moins un poème. J’ai dans mon bureau une bibliothèque dédiée à la poésie. Je ne sais pas combien j’ai de recueils, mais suffisamment pour pouvoir fermer les yeux devant et tirer un volume sans savoir du tout sur quoi je vais tomber. Puis j’ouvre une page au hasard et je lis sans me préoccuper de l’auteur.

Il y a dix ans, Anne-Marie Cabut, cheffe de la Chanterie de Lyon (A Cœur Joie) me propose d’écrire une pièce pour tous ses choristes. De 5 à 17 ans.Pour trouver une idée, un déclencheur, je pioche dans ma bibliothèque. C’est sur le rire en poésie que je tombe.

Un des poèmes de Jean-Luc Moreau me fait rire, à haute voix. C’est rare.
Je me mets au piano immédiatement (c’est souvent ainsi que je relis les poèmes qui font tilt!) et mes doigts trouvent tout de suite un enchaînement harmonique, la mélodie naît rapidement…

Je fonce sur internet pour en savoir davantage sur l’auteur, je trouve assez facilement un moyen de le joindre, pour lui demander l’autorisation de mettre en musique son poème, il me répond rapidement qu’il serait enchanté et m’envoie dans la foulée quelques livres de lui.
Je passe plusieurs jours à dévorer ses poèmes, écrits souvent pour la jeunesse. Je fonce tête baissée dans leur mise en musique, je les chante à tue-tête à toute heure du jour ou de la nuit au point d’en fatiguer un peu ma famille… Rarement je me suis senti si proche d’un poète qui écrit pour la jeunesse.

En écrivant cette phrase, je m’aperçois que je risque de réduire le champ poétique de Jean-Luc Moreau en le cantonnant à sa poésie pour les jeunes. Je sais, pour le vivre assez, que ça pourrait être énervant… Il écrit de magnifiques poèmes, point. Certains ont même l’avantage d’intéresser les jeunes. Mais il écrit aussi cela par exemple :

Premier amour

Ils marchaient lentement sur la plage déserte,
Comme font les enfants se tenant par la main;
On eût dit qu’une porte au ciel se fût ouverte
Dont l’étoile du soir leur montrait le chemin.
La forme de leurs pieds s’imprimait sur le sable :
Ils cheminaient toujours et ne soupçonnaient pas
Que déjà, derrière eux, les vagues inlassables
Effaçaient doucement la trace de leurs pas.

Ou ça aussi :

J’assume l’avenir comme une corde raide….

Je pourrais citer cent vers de ses poèmes tellement ils me touchent…

Bref, j’en reviens à mon premier travail sur ses textes : j’écris, je chante, je hurle, je m’enferme des jours et des jours dans mon bureau et j’en ressors exténué avec 52 chansons  ! (parfois courtes, très courtes, très très courtes, reconnaissons-le).
Je prends rendez-vous avec Jean-Luc, nous convenons de nous voir chez lui. Son épouse, Madeleine m’accueille comme si elle me connaissait depuis toujours, je me sens très vite à l’aise bien qu’un peu inquiet : “vont-ils apprécier mon travail ?”. Je commence à chanter, en m’accompagnant sur leur piano droit, collé au mur, de sorte qu’ils sont assis dans mon dos. Je ne peux pas voir leurs réactions en direct. Alors j’enchaîne les chansons, les unes après les autres… Je me retourne de temps en temps mais Jean-Luc me fait signe de continuer… 52 chansons, ce n’est pas rien. Je termine un peu fourbu, me disant que derrière, ils ont dû s’endormir…
Pas du tout ! Ils sont souriants, beaux comme deux jeunes mariés, émus et réjouis de cet “échange de bons procédés”. En écrivant ces lignes, je suis tout tremblant car j’ai essayé de maitriser mon émotion (vous vous rendez compte tout de même que certains textes, je les connaissais depuis mes 9 ans ? J’en avais alors 39…), et à force de maîtriser l’émotion, j’ai réussi à la graver très profondément, de sorte qu’il me suffit de repenser à ce moment pour la faire surgir aussi intacte qu’au premier jour.

Depuis ce jour-là, nous avons beaucoup collaboré Jean-Luc Moreau et moi. Une trilogie sur Thésée (dont l’intégralité a été donnée sur un week-end à Radio France avec la maîtrise, il y a quelques années), des pièces pour chœur d’enfants, comme Vous aviez dit Carmen, plusieurs contes pour les plus petits (Le renard volant, Boucle d’or…)
Travailler sur ses textes est toujours un enchantement. Un bonheur. Nous avons d’ailleurs plusieurs autres projets en préparation, nous en reparlerons.

Mais alors, quid de la création de ces 52 “premières chansons” ?
L’interprétation de cette fresque poétique, alors intitulée Heureux qui comme Alice – du titre du dernier poème reste pour Jean-Luc comme pour moi un souvenir très fort.
Mais paradoxalement, cette réalisation exemplaire dans l’auditorium de Lyon, ce travail remarquable des choristes et de leurs chefs de chœur qui participaient m’ont un peu bloqué pour la vie de ces chansons après création. Comment retrouver en un seul lieu cette multitude d’ensembles de tout âge ? Comment recréer cette fresque ? La musique de Léonie, il y a dix ans, n’était pas encore celle qu’elle est aujourd’hui. Nous n’avions pas les forces vives.

Mais j’avais au fond de moi l’envie de mettre en valeur ces chansons. Une envie, une intuition, mais pas réellement de projet clair.

L’équipe de La musique de Léonie a fait la rencontre, grâce à l’Académie musicale de Villecroze de Julien Hanck (Arpeggio-films) pour un projet autour de nos fables de la Fontaine. Si vous ne connaissez pas ces fables, vous avez au moins 9 vidéos à découvrir et un outil pédagogique performant réalisé par Corinne Barrère et Anne Goniaux. Dès le dernier jour de tournage nous avons pris rendez-vous avec l’équipe d’Arpeggio-films pour un projet encore plus fou : enregistrer mes 52 chansons.

C’est ce que nous avons fait durant ces dernières vacances.

Alors, toute cette année, vous découvrirez chaque jeudi Léonard Joubert, Louise Pidoux, Anne Goniaux, Marie-Noëlle Maerten, Frédérique Bizet (clarinette) et Christophe Andrivet (contrebasse) faisant les andouilles (mais pas seulement !) devant les caméras de Julien Hanck pour Un an de chansons (à raison d’une par semaine) à partir des textes de Jean-Luc Moreau.

Et hop ! Voilà une seconde vie pour ces chansons si chères à mon cœur et voilà une bonne manière de vous prédire… Une bonne année !

Pour la première de ces chansons : LOCATAIRES

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